Leur histoire

Ou comment l’histoire avec un grand H modifie l’avenir de nos autos

RENAULT après l’échec de la FREGATE et de la RAMBLER souhaite reprendre sa place sur les véhicules de luxe dont CITROEN pour la France et les marques allemandes, avaient le monopole.

Le seul modèle, à l’époque, qui coiffe la gamme RENAULT est la R16. Malgré la montée en puissance sur la TS et la TX, elle ne possédait pas de gros moteurs .Son hayon arrière, comme sur les utilitaires, choquait les esprits de l’époque. Ce concept de berline break connut malgré tout un succès commercial. Mais cela ne suffisait pas à détourner les amateurs des grosses berlines allemandes.

C’est ainsi que RENAULT s’associa dans un premier temps avec PEUGEOT pour travailler sur un V8 d’origine PEUGEOT et qui devait être décliné en V6.

Le premier choc pétrolier qui fait suite à la guerre du Kippour, va profondément changer l’histoire économique des pays occidentaux et notamment de la France. Pour comprendre cette crise pétrolière, qui a modifié entre autre, l’avenir de notre R30, il faut remonter aux années 60 et à la création de l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (O.P.E.P.) en 1960 qui regroupe 5 Etats à cette date. Le 6 octobre 1973, alors que tous les juifs célèbrent Yom Kippour, le jour le plus sacré du calendrier juif, la coalition arabe attaque Israël. Cette attaque fait suite à la défaite des Six Jours qui opposa entre le 5 et 10 juin 1967 Israël à l’Egypte, la Jordanie, la Syrie et l’Irak, le but étant de récupérer la péninsule du Sinaï et le plateau de Golan en particulier. Si l’attaque a surpris Israël, l’effet de surprise ne dure pas : les américains livrent des armes à l’Etat hébreu à partir du 14 octobre 1973. Deux jours après, le 16 octobre, les principaux producteurs du Golfe décident d’augmenter unilatéralement de 70 % le prix du baril de brut. Quelques jours plus tard, ils imposent une réduction de la production pétrolière et un embargo sur les livraisons de pétrole à destination des États-Unis et de l’Europe occidentale. En décembre 1973, la hausse moyenne du prix du baril a atteint 130%. Les automobilistes français paie 1,65 Francs le litre d’essence contre 1,11 Francs en 1970 ! Le prix du pétrole, qui quadruple entre octobre 1973 et juin 1974, entraine des conséquences extrêmement importantes sur nos économies : En effet, les pays occidentaux, qui avaient envisagé une consommation importante d’énergie qu’ils pouvaient acquérir à faible coût, sont contraints de modifier leur façon de consommer et donc de produire. C’est l’effondrement du marché automobile en général et du haut de gamme en particulier. Il faut rappeler que si en 1954 seulement 8 % des ouvriers possédaient une voiture, ce chiffre monte à 75 % en 1974. L’embargo sera finalement levé 5 mois plus tard, mais entre temps, le prix du baril est passé d’environ 3 $ à 12 $.

PEUGEOT-RENAULT-VOLVO (PRV) avait travaillé depuis 1966 sur des moteurs V8 sans se soucier de la consommation de ces moteurs, mais la hausse des hydrocarbures va les contraindre à un changement de stratégie. Fin 1973 Renault a déjà trop investi pour renoncer aux nouveaux modèles : le V8 tourne déjà au banc et donne toute satisfaction. Les travaux ultimes de mise au point sont sur le point de commencer. Les limitations de vitesse décidées depuis juillet 1973 qui visaient aussi bien l’économie de carburant que le nombre de tués sur la route et la guerre du Kippour dont nous avons parlé plus haut, mettront sur la touche ce V8 au profit du moteur V6 que nous connaissons. Ce changement de cap n’a pas été trop difficile à réaliser pour la société franco-suédoise PRV puisqu’il était déjà prévu qu’un V6 serait dérivé du V8.

Renault gardera donc son haut de gamme de 15 ch fiscaux avec un moteur V6 au lieu du moteur V8 initialement prévu en sortant notre R30 en mars 1975 puis notre R20 en fin d’année, directement dérivée de la R30 puisqu’elle gardera la même carrosserie, à l’exception des phares, qui seront rectangulaires à l’avant au lieu des doubles phares ronds, avec un moteur 4 cylindres et un niveau d’équipement vu à la baisse.

Mars 1975: lancement de la R30 TS au salon de Genève.

Lorsque la nouvelle Renault 30 est dévoilée au public, elle trouve une concurrente toute jeune et déjà bien installée sur le  marché, la CX de chez Citroën, modèle successeur de la fameuse DS. D’autre part, le « torchon brûle » entre les deux constructeurs français associés, car il était convenu entre eux que la régie ait la primeur à Genève, alors que la peugeot-604Peugeot ne devait être révélée qu’au salon qu’au Salon de Paris suivant. Changement brutal de stratégie peut-être stimulé par un marché en récession qu’il faut s’efforcer de réveiller en révélant des nouveautés? C’est la plus plausible des réponses.

En tout les cas, la 30 TS fait sensation et est censée récupérer rapidement un certain nombre de propriétaires de R 16 TS ou TX. Proposée au prix de 37.500 francs, c’est une berline relativement imposante pour l’époque puisqu’elle mesure 4.52 mètres de long et 1.73 de large, pour un poids de 1320 kilos. La ligne est agréable et passe-partout puisqu’elle n’affiche pas un caractère aussi fort: que celle de la R16 dix ans plus tôt : en effet, les berlines à  deux volumes dotées d’un hayon se sont banalisées en Europe au cours des années soixante dix, et les silhouettes des Simca 1307/1308, des volkswagen Passat, ou autres Lancia Beta présentent de troublantes ressemblances.

Animée par le fameux PRV de 2664 cm3 qui développe 131 chevaux, elle atteint 185 km/h ; ce PRV est un moteur de six cylindres en V ouvert à 90° en alliage coulé sous pression, équipé d’un d’un arbre à cames entraîné par chaine. Ce moteur de 15cv fiscaux qui fit couler beaucoup d’encre pour son manque de couple à bas régime, son relatif manque d’équilibre et sa voracité en carburant équipé depuis la fin de 1974 les coupé et cabriolet 504 Peugoet et la Volvo 264.

Néanmoins, la presse comme les premiers clients apprécient le confort, la tenue de route, la puissance du freinage, le silence et l’habitabilité. Il manque peut-être tout juste quelques précieux centimètres pour les jambes des passagers arrière. Proposée principalement dans des tons métallisés, la R30 TS est surtout livrés en gris clair, anthracite, or, marron, bleu claire ou vert clair. Les teintes opaques sont plus rares et comptent le blanc, le noir, le bleu marine et un rouge très vif.

Dans un contexte économique difficile, le démarrage de la R 30 TS est modeste comparé aux scores des autres modèles de la marque :  17.474 exemplaires auront été construits, dont 8.092 unités livrées en France.

1976 : Déjà la R 20 : l’espace en plus.

En fait, la R 30 des débuts allait ouvrir l’éventail d’une véritable gamme: à la Noêl 1975, de grands placard publicitaires allaient envahir le pays dévoilant la nouvelle R 20 : « l’espace

la Renault 20 est lancée à la fin de l’année 1975. le salon en question est celui de Bruxelles, en janvier 1976.

en plus » est le slogan choisi pour cette nouvelle 9 cv reprenant la mécanique de la R16 TX toujours proposée en parallèle. Justement la R 20 L est proposée au même prix que la R 16 TX, soit 32.600 francs : sa finition légère  et son hayon couleur caisse intégralement la rendent peu attrayante, encourageant la clientèle à opter pour la TL proposée au prix de 33.700 francs en boîte manuelle, et 36.700 francs avec la boîte automatique.

Enfin, la GTL propose en série la direction assistée, les léve-vitres électriques, la condamnation électrique des portières… autant d’équipements jusque là réservés à la 30 TS. Suivant la boîte de vitesses, la GTL est proposée à un tarif se rapprochant de celui de la 30 : 36.900 et 39.900 francs alors que la 30 TS est proposée respectivement à 42.200 et 45.300 francs.

Les Renault 20 sont plutôt bien accueillies par la presse et la clientèle : les qualités routières, le confort, la qualités des sièges « pétales »qui maintiennent bien, la consommation raisonnable, l’habitabilité et la capacité du coffre accessible par un hayon, la boite de vitesses sont autant d’atouts seulement tempérés par quelques défauts : les performances sont un peu juste puisque le 1647 cm3 de la 16 TX développant 90 chevaux peine un peu ; on enregistre des résonances à 120 km/heure, des réactions désagréables dans le volant et un éclairage avant presque insuffisant.

dans un contexte plus souriant d’un relatif retour à la prospérité, les 20 et 30 effectuent une percée intéressante sur le marché français : 36.00 R 20 sont écoulés et pas moins de 16.260 R 30 en cette année 1976.

1977 : Le succès s’affirme dans un contexte économique meilleur.

Le millésime 1977 n’innove pas beaucoup, et les grosses Renault trouvent leur place sur le marché sans faire d’ombre aux R 16 qui continue une carrière prospère en parallèle.

Les démocratiques R 20 sont proposées dans des tons plus voyants, communs avec le reste de la gamme, y compris la populaire 4L : du vert jardin, du jaune vif, du bleu roi ou du beige daim outre le rouge constituent la palette de teintes opaques complétée par quelques tons métallisés proposés en commun avec la R 30 : vert, gris, anthracite, or, marron,bleu.

La production stagne à moyenne altitude : 160.000 unités en 1976, 112.000 en 1977, ce qui est moins bien que la Citroên CX produite à 130.000 unités ou les concurrentes étrangères deux fois plus produites que le Renault : 266.000 Opel Rekord, 235.000 Ford Granada, 200.000 Volvo 244/264… Il est temps de faire évoluer la gamme et surtout de combler le « trou » existant entre la 9 cv R 20 et la 15 cv R 30.

1978 : La R 20 TS, ou quand la R 20 trouve son équilibre.

Pour le millésime 1978, la clientèle obtient le modèle réclamé par le réseau : une 11cv capable de lutter à armes égales avec la concurrence : c’est la R 20 TS. Cette nouvelle deux litres est équipée d’une mécanique moderne étudiée en commun avec le groupe PSA : le bloc en alliage léger à arbre à cames en tête de 1995 cm3 développe 110 chevaux et permet à la voiture d’atteindre les 170 km/heure. La presse spécialisée souligne les qualités de ce moteur qui équipe trois concurrentes françaises, à savoir la Citroên CX Athena, la Peugeot 505 et la R 20 TS : cette mécanique souple et équilibrée gagne la confiance du gros bataillon de la clientèle, les R 20 normales paraissant en conséquence encore plus sous-motorisées. En revanche, quelques fausses notes subsistent comme l’absence d’appuie-tête, les résonances du moteur à vitesse élevée,ou le freinage manquant quelque peu de résistance.

Forte de cette gamme couvrant les puissances fiscales de 9, 11, et 15cv, les R 20 et 30 enregistrent de beaux succès commerciaux en France comme dans le reste de l’Europe : 121.500 unités sont produites en 1978, ce qui constituera le record absolu.

1979 : La R 30 TX coiffe la gamme.

La Régie met l’accent sur l’équipement en dotant sa gamme de ceintures de sécurité aux places arrières , de feux arrières ant-brouillard, et d’essuie-glaces à deux vitesses pour les R 20.

La nouvelle R 30 TX coiffe l’ensemble de la gamme (à boîte mécanique ou automatique); elle est reconnaissable à ses jantes originales à croisillons se voit dotée du moteur PRV à injection développant 142 chevaux capable d’entraîner l’auto à 186 km/heure. Proposée à 81.000 francs, elle concurrence les CX 2400 GTI et d’autres 604TI V6.

1980 : Les R 20 et R 30 à l’apogée de leur succès commercial en France : les R 20 diesel entrent en scène.

Alors que la Régie Renault écoule tout juste 104.000 unités de son haut de gamme en Europe, elle vend 64.500 R 20 en France en 11980 contre 54.300 en 1979 alors que la diffusion de la R 30 fléchit de 11.500 unités à 7.3 80 en 00 : le second choc pétrolier est passé par là et Renault innove pour le millésime 80 en proposant le Diesel sur la R 20 : les nouvelles R 20 TD et GTD qui se distinguent par des détails d’équipement sont équipées d’un moteur de 2064 cm3 développant 64 chevaux autorisant la « modeste » vitesse de pointe de 146 km/heure.

« Elle raccourcit les distances » tel est le slogan de lancement… et le succès est au rendez-vous en cette nouvelle période de vaches maigres.

Revenons sur les teintes de carrosserie qui évoluent avec les modes : les teintes opaques criardes sont passées de mode depuis le millésime 1979, date à laquelle apparaissent un beige clair, un bleu marine, un vert assez foncé tandis que les teintes métallisées enrichissent leur palette d’un superbe vert algue (clair), d’un vert sombre, du jaune tilleul outre les classiques gris, anthracite, or, marron, bleu moyen et foncé.

1981 : De nouvelles déclinaisons pour la R 20 : LS et TX.

Pas de répit pour le haut de gamme de chez Renault qui entre dans sa sixième année de vie active : les R 16 sont parties à la retraite, et la R 18 a conquis une place commerciale de premier plan.

Les R 20 et R 30ne sont pas en reste puisque deux nouvelles versions voient le jour pour le millésime 81 : Une R 20 LS, moins performante que la TS qui continue d’être le best-seller de la gamme : cette version est équipée d’une mécanique dégonflée de la TS avec le 1995 cm3 dont la puissance est ramenée à 104 chevaux au lieu de 110 : la vitesse de pointe est de 170 km/heure et la voiture proposée au prix de 54.800 francs semble être une affaire même si sa boite de vitesses n’en compte que quatre contre cinq pour la TS. Cette version LS sonne le glas des versions originelles équipée du 1647 cm3 dont seule la version GTL subsiste.

Parallèlement, une 20 TX, plus intéressante coiffe la famille des R 20 en proposant des performances appréciables autorisées par le montage d’un nouveau 2.2 litres de 2165 cm3développant 115 chevaux et propulsant la voiture à 178 km/heure. Cette nouvelle 12cv reconnaissable aux roues qui équipaient les premières R 30 est proposée au prix de 65.700 francs ; elle trouve sur sa route les CX et 505 dotées de la même mécanique.

Des 20 et des 30, il y en a désormais pour tous les goûts et toutes les bourses : des 8, 9, 11, 12 et 15cv!

La puissance s’échelonne de 64 à 142chevaux en passant par 90, 104, 110, 115, et 131 chevaux.

La palette de teintes de carrosseries s’enrichit d’un bordeaux foncé très apprécié sur toute la gamme Renault de l’époque, d’un vieil or métallisé, d’un bleu profond appelé bleu abysse métallisé et d’un marron métallisé très sombre.

1982 : Chant du cygne pour la gamme avec la R 20 Turbo Diesel.

La recette de la 30 TD semble faire recette et la Régie l’applique sans complexe à une R 20 qui s’essouffle sérieusement : ainsi naît pour le millésime 83 la 20 TD équipée de la même mécanique que la 30 du même nom. Incontestablement, les versions Diesel Turbo représenteront le gros des ventes des deux derniers millésime et raviront les gros rouleurs,comme les chauffeurs de taxi. Accomplissant d’impressionnants kilométrages de l’ordre de 300.000 kilomètres, elles seront longtemps recherchées sur le marché de l’occasion.

Les ventes ne s’écroulent pas complétement à la veille de leur remplacement puisque pas moins de 37.000 R 20 et 9.000 R 30 seront écoulées durant l’année calendaire 1983. Les voitures de ce millésime seront reconnaissables au discret volet aérodynamique placé sur le hayon arrière, en outre, la 20 LS est enfin équipée d’une boîte de cinq vitesses.

Les teintes proposées sont le plus souvent sombres : noir, anthracite, brun, vert ou bleu tandis qu’un élégant gris bleu métallisé relativement clair plait aussi.

1984 : En guise d’épilogue.

La carrière des R 20  et des R 30 est interrompue au printemps 1984, date d’apparition d’une nouvelle espèce automobile, la R 25 : ce demi-millésime se déroule en roue libre jusqu’a épuisement des stocks : seulement 2.309 R 20 et 148 R 30 seront écoulées en 1984 en France.

Au total, 396.00 R 20 et 101.000 R 30 soit prés d’un demi-million de voitures auraont été vendues dans l’hexagone ce qui représente un score fort honnête pour une gamme rencontrant sur sa routes deux dépressions économiques nées des chocs pétroliers successifs.

Globalement, près des deux-tiers des R 20 et R 30 auront été immatriculées sur le sol français ; la suprématie et la stabilité du succès de la R 20 TS se retrouve, les R 30 à essence ne présentant qu’une vente sur sept.

Les versions Diesel, et de milieu de gamme auront su prêter main forte pour maintenir la flamme du succès tandis que les concurrentes françaises auront connu  des carrières tout à fait comparables : La CX se sera vendue à 550.000 exemplaires mais sur une durée deux fois plus longue, tandis que les 505 et 604 réunies avec 450.000 unités auront fait juste un peu moins bien ; au palmarès des ventes, le tandem R20/30 aura figuré le plus souvent devant leurs rivales en tous les cas entre 1979 et 1983, tandis que la CX, très appréciée au Danemark, aux Pays-bas, en Belgique ou en Suisse se sera mieux exportée.

Au total, 782.668 exemplaires auront été construit en l’espace de neuf ans,dont à peine 20 % de R 30.

Le modèle le plus produit est le meilleur de toute la gamme, la 20 TS dont 312096 unités auront été produites (40% de la production), suivie par les R 20 de base produites à raison de 184014 unités ( 23.50% de la production totale) et des R 20 Diesel produites en 91675 exemplaires.

Les excellentes 20 et 30 Diesel Turbo, produites sur la fin de carrière du modèle auront servi de banc d’essais pour la R 25.

LJM

 

 

 

 

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